Un berger dans les Cévennes

Cet entretien a été réalisé le 14 août 2009

Pierre Thérond, 71 ans,  est né dans la commune de Mialet (Gard). Berger à la retraite, il a connu les périodes où les troupeaux étaient encore assez nombreux avec leur corollaire, les transhumances. J’ai rendez-vous avec lui une matinée du mois d’août.

 

Où es-tu né ?
Je suis né dans la commune de Mialet, à Larboux, en 1938.

A quel âge es-tu devenu berger ?
J'ai commencé à garder des troupeaux à l'âge de 13 ans avec mes parents.

Comment es-tu devenu berger ?
J'ai suivi des cours dans une école d'agriculture. En fait, dès l'âge de 20 ans, j'avais mon propre troupeaux.

Quelles sont les raisons qui t’ont amené à devenir berger ?
Je suis devenu berger par amour des bêtes et de la nature.

Comment se faisait l’achat de moutons ?
Il y avait des foires de mouton à Saint-Hippolyte-du-Fort, à Brouzet-Les-Alès, ainsi qu'à Alès. Lors de ces foires, nous achetions des agneaux mais nous renouvelions aussi les moutons.
Nous pouvions acheter leur collier. Par contre, c'est seulement à Saint-Hippolyte-du-Fort que j'achetais les cloches de mes moutons.

Combien as-tu eu de mouton au maximum ?
A la fin de ma carrière, j'ai eu jusqu'à 180 moutons. Un seul chien me suffisait pour m'aider dans ma tâche.

Y avait-il d’autres troupeaux aux Aigladines et dans la commune de Mialet ?
Oui, bien sûr. Il y a une trentaine d'années, aux Aigladines, il y avait d'autres bergers : Emile Canonge, chez qui je suis venu travailler mais aussi Henri Laporte, Almeras (aux Combes, quartier des Aigladines). Dans la commune de Mialet, j'ai connu aussi Pradeilles, qui exerçait à Aubignac (à quelques kilomètres des Aigladines).

Quelle était la race de tes moutons?
La race principale était les "caussinarde", mais j'avais aussi des "blancs du Centre" et des "blanc de Lozère".

Comment se passait tes journées de berger ? Combien de fois sortais-tu les brebis ?
Il fallait sortir les brebis une seule fois par jour en hiver. Par contre, je les sortais deux fois dès que le printemps arrivait.
Sinon, régulièrement, le matin, il fallait s'occuper de l'agneulage (la mise à bas des agneaux), du triage des agneaux et du soin de leur mère.

Quelles étaient les techniques pour faire obéir les troupeaux ?
Il fallait déjà avoir un bon chien de berger. Sans chien, il est difficile de tenir un troupeau. Pour faire un bon chien de berger, il fallait six mois environ de dressage. Un chien de berger est donc forcément très utile.

Quelles étaient les techniques pour calmer les troupeaux en cas d’orage en montagne par exemple ?
Il n'y a pas de techniques particulières. En cas d'orage, il ne fallait bien sûr pas laisser un troupeau au bord d'un ruisseau. Sinon, le rôle d'un chien est justement de savoir calmer un troupeau.

Comment soignais-tu les moutons ?
Il y avait des traitements à base d'herbes ou bien je faisais appel au vétérinaire. Et puis, il fallait lutter contre le froid. Pour lutter contre le froid, je serrais la queue des brebis avec un cordon de laine.
Sinon, chaque deux ans, il fallait changer le bélier pour renouveler le sang des brebis.

Quelles étaient tes sources de revenu ?

J'avais plusieurs sources de revenus :
- la laine mais ça ne rapportait pas beaucoup. En fait, ça ne payait pas le tondage !
- la vente des agneaux (à 3 mois) : je vendais 200 agneaux par an à des bouchers.

- la vente des vieux moutons.
- j'avais ensuite quelques primes : prime pour la vente de vieux moutons, prime à l'herbe pour nettoyer, prime rurale (appelée "prime de parcours").

En ce qui concerne la prime à l'herbe, grâce aux bergers, les campagnes étaient propres.

LES TRANSHUMANCES

Combien de transhumances passaient aux Aigladines ?
Quatre ou cinq troupeaux passaient aux Aigladines.

As-tu suivi beaucoup de trranshumances ?
Oui, j'ai fait 16 ans de transhumance. J'ai toujours fait celle d'un des bergers les plus connus de la région : Monsieur Chapon.

Quelles étaient les périodes des transhumances ?
Nous ne montions pas les bêtes en moyenne montagne (en Lozère) avant le 8 juin (la Saint-Médard). Pour le retour en plaine, ça se faisait de fin août (après le 25) à fin septembre.

Combien fallait-il de bergers pour conduire une transhumance ?
4 ou 5 bergers pouvaient monter 3000 bêtes.

Y avait-il des règles pour cette conduite ?
Pas spécialement. Il fallait surtout se positionner au milieu, devant et derrière.

Comment étaient répartis les moutons dans les troupeaux des transhumances ?
Une transhumance consistait donc à monter ou descendre plusieurs troupeaux à la fois. Les bêtes étaient marquées par des initiales ou un symbole. Pour cela, il fallait tondre les agneaux et faire fondre de la poix (remarque : matière collante avec de la résine et du goudron). C'était aussi l'occasion d'enlever les brebis les plus faibles. Avant de mettre le tampon, il fallait faire une prise de sang pour avoir un certificat du vétérinaire. Si des brebis étaient positives, il fallait les enlever.

Quel était l'itinéraire que vous empruntiez ?
Le départ se faisait à Tornac à côté d'Anduze.
Nous déjeunions au musée du désert (Luziers).
Puis, nous montions aux Aigladines pour l'heure du dîner. De Tornac aux Aigladines, cela faisait 15 km.
Dans l'après-midi, nous reprenions la route pour la ferme du Pereyret.

Le lendemain, nous partions du Pereyret pour la vieille morte et Prendigarde (où nous dînions). Cela faisait 15 km de plus.
Puis, nous prenions la route pour les Aires (11 km) où nous arrivions le soir.

Le troisième jour, nous partions des Aires, passions par La Croix du Bertin puis c'était l'arrivée sur le Pont-de-Montvert (30 km).

Nous marquions au crayon les bêtes qui avaient des difficultés à suivre et nous avions des remèdes dans le sac.

Après la montée, en juin, comment les troupeaux étaient gardés ?
C'était le rôle du "rassier". Un rassier louait des terrains pendant la période estivale. Vers le Pont-de-Montvert (Lozère), ces terrains pouvaient accueillir jusqu'à 3000 bêtes. La location coûtait 3 francs par bêtes (presque 0,50 €). Le rassier était payé à la descente mais même si une bête avait disparu pendant l'été, il fallait payer le nombre de bêtes qui étaient montées !

Un souvenir particulier ?
Chaque transhumance était l'occasion de fêtes et repas  chaleureux. Ce sont de bons souvenirs.

Interview réalisée le vendredi 14 août 2009.

SB

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